On regrette tout ce qu'on fait, bien comme tout ce qu'on ne fait pas... Et voilà une triste vérité!
Était-elle toute à l'heure, en corps, oui!, mais le regard si loin - d'un verdâtre vénimeux - n'appartenait pas à son être. Ou moins, pas à celui qui se montrait autrefois. Il y avait quelque chose de si menaçante dans la façon qu'elle me regardait, que j'aurais pu avoir peur si je n'avais pas perdu toute possibilité de ce sentiment. De toute façon, pour utiliser un vocabulaire bien connu des lecteurs de William Blake, j'ai senti qu'elle avait tué son Émanation... Car celle-ci n'y demeurait nulle part! Il y faisait un froid si perçant et un noir si infranchissable, que je m'étonnais d'y voir un être que, sauf si je croyais aux fées ou aux sorcières (ce qui n'est pas encore le cas), tout à fait mort! Serait-il possible à quelqu'un d'y dormir avec tant de froid? Ou d'y lire avec tant de ténèbres?, je me questionnais.
Et puis, j'ôse encore supposer qu'après avoir expulsé son Émanation, elle ait embrassé son hideux Spectre! C'est comme le grand Barde de la Bretagne nous l'annonçait, au début du XIXe siècle: - nous ne sommes pas des Individus, mais des Dividus! Et tous formés par deux Contraires... Voyez bien, vous qui êtes normalement si aveugle... Et écoutez avec attention, vous qui n'avez de l'esprit que pour vos propres plaisanteries... Les Contraires s'opposent, oui, mais ils vivent toujours ensemble, en cherchant leur equilibre! Les Contraires ne sont pas de Négations - car les Négations ne peuvent pas exister ensemble et elles se nient mutuellement! Alors, en continuant ce que je disais, il y a plusieurs Contraires dans chaque Être Humain... Un couple d'entre cette foule de Contraires c'est celui dont je parlai toute à l'heure et que je vous explique un peu mieux maintenant. Un Contraire fait la partie féminine: belle, calme, naturelle, créative, et donc, sensible. L'on lui appelle: l'Émanation. Au même temps, l'autre est son côté masculin: hideux, nerveux, artificiel, autocrate, et donc, fort. L'on lui appelle: le Spectre.
Je vous expliquai, alors, la terminaison utilisée pour exprimer ce je sentis à ce moment étrange de mon si beau et brillant matin.
Je regardai encore une fois ses yeux, pour m'assurer de cette première impression d'horreur. Elle me regarda aussi, mais il n'y avait point de vie dans sa contenance. Que pouvais-je faire? Demander mes excuses et sortir? J'étais venu de si loin pour accomplir la dernière tâche qu'il n'aurait fait aucun sens de l'abandonner au dernier moment. Je cerrai les dents et essayai un peu de naturalité.
Il fût à ce moment-là que je sentis une puanteur épouvantable! Je ne pus m'empêcher d'imaginer, peut-être, qu'en ayant chassé son Émanation elle ait bien donné un funèbre baiser sur son Spectre, juste avant que je fusse entré! Oh, triste folie! Était-cela vrai et tous les cieux se seraient alors tombés en neige... Et la fummée ténébreuse se serait montée jusqu'aux rues, à travers les fenêtres de cette cave (je ne l'avais pas encore mentionné, mais on y était au sous-sol). Le froid et le noir qui faisaient dedans seraient alors répandues un peu partout et chaque être vivant aurait pris son propre butin de ce terrible trésor - même qui personne ne l'ait souhaité.
En craignant l'existence de quelque chose surnaturel chez elle (existence dont je suis sûr maintenant), je la donnai ce que je ramenai avec moi... Et cela n'était que des livres qu'elle m'avait demandés quelques jours plus tôt. Elle les pris, pas tout à fait déjà réveillée, et me lança encore un de ces regards bizarres: les yeux ouverts à demi, mais avec une faim qui pouvait dévorer tout un continent.
Sa bouche bougea. Les mots volèrent comme des corbeaux - leurs sons étaient somnolents et, peut-être parce que je ne faisais pas attention, je ne les trouvai aucun sens. Il fallait, pourtant, répondre quelque chose. Je dis, alors, n'importe quelle bêtise et demandai un peu d'eau. Nous allâmes la chercher.
Bref... (pour utiliser une des expressions le plus chérie à son Tout Puissant Spectre)...
Bref, il y a des fois où des hommes, bien que de ce genre plein de courage - auquel trois bandits fort armés, et en lui voulant le sac, ne poseraient point de problème - il y a des fois où même CE genre d'homme n'a pas tort de reconnaître la bizarrerie d'une situation apparemment normale et, en le faisant, de foutre le camp.
N'est-ce pas que j'ai bien vécu un épisode du drame de Jerusalem? Et sans rien ne savoir?
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