mercredi 29 février 2012

Épitaphe, de Corbière (avec l'audio du poème)



Salut, mes élèves!

J'ai trouvé une poésie que, même qu'elle ne soit pas facile à lire, je pense qui serait intéressante d'être entendue par vous. Elle a été écrite par le poète Tristan Corbière (1845-1875) qui parle de sa vie et de sa condition humaine. J'ai beaucoup aimé la façon dont il se caractérise (parce que si vous faites attention au titre bien comme au poème, il ne parle que de lui même) et je me suis identifié avec ce qu'il dit.

Remarquez qu'il utilise un vocabulaire un peu travaillé et quelques verbes au passé simple - mais cela ne posera aucune dificulté: si vous avez des doutes, consultez le dictionnaire (http://www.le-dictionnaire.com/ ). Pour les verbes, sachez que: il fut (il a été), il se tua (il s'est tué), il mourut (il est mort), il naquit (il est né), il ne sut pas (il n'a pas su), ils furent (ils ont été)... Etc...

Le texte du début est un peu confus, mais c'est le but du poète... Alors, ne vous ennuyez pas!

Et de toute façon, même si vous ne comprenez pas le sens général du poème, essayez d'écouter ses sons... Vous ne regretterez pas!








ÉPITAPHE


Sauf les amoureux commençons ou finis, qui veulent commencer par la fin, il y a tant de choses qui finissent par le commencement, que le commencement commence à finir par être la fin; la fin en sera que les amoureux, et autres, finiront par commencer à recommencer par ce commencement, qui aura fini par n’être que la fin retournée, ce qui commencera par être égal à l’éternité qui n’a, ni fin, ni commencement, et finira par être aussi finalement égal à la rotation de la terre - où l’on aura fini par ne distinguer plus où commence la fin d’où finit le commencement, ce qui est toute fin de tout commencement, égale à tout commencement de toute fin, ce qui est le commencement final de l’infini défini par l’indéfini— Égale une épitaphe égale une préface et réciproquement.

- Sagesse des nations


Il se tua d’ardeur, ou mourut de paresse.
S’il vit, c’est par oubli ; voici ce qu’il se laisse :

— Son seul regret fut de n’être pas sa maîtresse. —

Il ne naquit par aucun bout,
Fut toujours poussé vent-de-bout,
Et fut un arlequin-ragoût,
Mélange adultère de tout.

Du je-ne-sais-quoi. — Mais ne sachant où ;
De l’or, — mais avec pas le sou ;
Des nerfs, — sans nerf. Vigueur sans force ;
De l’élan, — avec une entorse ;
De l’âme, — et pas de violon ;
De l’amour, — mais pire étalon.
— Trop de noms pour avoir un nom.

Coureur d’idéal, — sans idée ;
Rime riche, — et jamais rimée ;
Sans avoir été, — revenu ;
Se retrouvant partout perdu.

Poète, en dépit de ses vers ;
Artiste sans art, — à l’envers,
Philosophe, — à tort à travers.

Un drôle sérieux, — pas drôle.
Acteur, il ne sut pas son rôle ;
Peintre : il jouait de la musette ;
Et musicien : de la palette.

Une tête ! — mais pas de tête ;
Trop fou pour savoir être bête ;
Prenant pour un trait le mot très.
— Ses vers faux furent ses seuls vrais.

Oiseau rare — et de pacotille ;
Très mâle … et quelquefois très fille ;
Capable de tout, — bon à rien ;
Gâchant bien le mal, mal le bien.
Prodigue comme était l’enfant
Du Testament, — sans testament.
Brave, et souvent, par peur du plat,
Mettant ses deux pieds dans le plat.

Coloriste enragé, — mais blême ;
Incompris… — surtout de lui-même ;
Il pleura, chanta juste faux ;
— Et fut un défaut sans défauts.

Ne fut quelqu’un, ni quelque chose
Son naturel était la pose.
Pas poseur, — posant pour l’unique ;
Trop naïf, étant trop cynique ;
Ne croyant à rien, croyant tout.
— Son goût était dans le dégoût.

Trop crû, — parce qu’il fut trop cuit,
Ressemblant à rien moins qu’à lui,
Il s’amusa de son ennui,
Jusqu’à s’en réveiller la nuit.
Flâneur au large, — à la dérive,
Épave qui jamais n’arrive….

Trop Soi pour se pouvoir souffrir,
L’esprit à sec et la tête ivre,
Fini, mais ne sachant finir,
Il mourut en s’attendant vivre
Et vécut, s’attendant mourir.

Ci-gît, — cœur sans cœur, mal planté,
Trop réussi — comme raté.



Corbière, Tristan
(1845-1875)

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