samedi 15 septembre 2012

La finesse de la fin


Warpaint - Majesty (vidéo sur youtube pour accompagner la lecture)


La fin,
même celle de l'hiver,
n'amène que le froid - le dédaigneux froid de l'Oubli.
Il ne nous reste aucun espoir
d'avenir - de n'importe quel avenir -
et l'on essaie de se souvenir
du temps où l'on était tête à tête avec l'été.
Mais la mémoire ne nous permet pas
de revivre le passé -
même submergé par des images
magnifiques d'un temps au-delà des mensonges
on n'arrive pas à vivre
ces rêves imaginés par nos idées.
Le fleuve de la Vie ne cesse pas de, lentement,
couler vers la mer
de la Mort
et il ne nous reste que le temps
de se rendre compte de la fin.

J'ouvre les yeux et le passé passe
devant moi,
sous une fine pluie qui tombe
du ciel de plomb,
sur le sentier secret du sens.
Je ferme les yeux.
Le présent est une présence
absolue
auprès de tout ce qui n'est plus
îci,
bien comme de tout ce qui sera
îci un jour.
Or je m'en fous de ce qui fût
le futur avant -
je prends un de ses fûts et me tiens
debout.
Il ne faut pas que je tombe dans la fosse
fausse
d'une songerie somnolente. Sans cesse,
je cesse
et recommence la chasse à tous les sens
de l'existence.
Les trouverais-je un jour? Ou devrais-je
les forger?

Aujourd'hui je voyage par un verger
sous le ciel d'argent
d'un hiver fou de rage. Mais la neige
agît sur ma peau
comme des griffes d'un tigre -
par des miliers d'égratignures
le sang coule incéssamment
et perpétue l'hémorragie.
Cependant,
le vent aigre crie:

"Ci-gît la Vie! Cédez à l'oubli!
Pour ceux qui résistent,
l'Hiver infini promet une fin
encore plus subtile!"

Que ferai-je face à la fin?
Que faut-il que je fasse?
Que j'éfface tout dessein
et farce face au destin?

Le fleuve de la Vie
coule encore vers la mer
de la Mort -
et la montre
la montre
en attendant
au bout du chemin...
Toutes les fins,
même celle de l'hiver,
n'amènent que le froid -
le froid dédain de l'Oubli
se confondant à la Vie.


 guimarães silva.
le 15 septembre 1932.


***




_____________________